Ecrits et Coloriages de Monsieur Henri

Ecrits et Coloriages de Monsieur Henri

Correspondances d'un adolescent ordinaire à ses parents. Extrait

 Le lien :  http://www.edilivre.com/doc/9674

 

                    


A mes chers parents

 

                    A mon fils Wandrille

 

                                        A mes patients professeurs


 


AVANT PROPOS

 

"A ce propos, vous ne serez jamais assez remerciés,  chers parents, pour l'éducation religieuse que vous nous avez donnée durant toute cette période où les écoles libres vous coûtaient une fortune. Et pour conclure, je vous invite à redire avec moi  cette prière aussi belle que courte, récitée  des milliers de fois, le soir en famille, seul au fond de son lit ou encore un soir de communion solennelle, et qui prend aujourd'hui toute sa valeur : Mon petit Jésus je vous aime de tout mon cœur, protégez Papa, Maman, Christine, Jiss, Xavier, Véronique, Etienne et tous ceux que j'aime "

 

Ainsi je concluais ce 19 décembre 1992 mon modeste discours à la gloire de mes parents qui fêtaient leurs Noces d'Or ! Après un tel hommage rendu à mes géniteurs, je me sens libre d'écrire quelques désobligeances à leur égard au risque de froisser leur fierté.

 

Raisonnablement ces cinq trimestres en internat dans la capitale de l'Orne ne me marquèrent pas au point d'attribuer à mes chers parents la responsabilité de mes échecs scolaires, mais tout juste l'envie de leur narrer quelques souvenirs d'adolescent.

 

Un beau matin, le couperet tombe : mon fils tu iras en pension.. et c'est pour ton bien !   Ce matin d'août 1962 me marquera à vie; mon père un peu confus, interprète solennel  de la conscience familiale,    souhaitait  avant tout mon bien !  Bien papa. Le bilan de mon année scolaire précédente m'interdisait tout commentaire et en bon garçon j'acquiesçais donc sans mot dire à la sentence paternelle. Je fus envahie quelques instants par mon imagination débordante, de toutes les horreurs que l’on devait vivre en pension, puis vint le doute, et la question qui suit, hantera  longtemps mes nuits d’adolescent :

Mon père souhaitait-il vraiment mon bien ?  Oui ? Oui vraiment ?

C'est parce que dans les familles il n'existe aucun contre pouvoir, que le père peut gouverner en maître absolu. Je suis payé pour le savoir, car fin août 1989,  déjeunant en tête à tête avec mon fils, je lui annonçais solennellement qu'il partirait en internat dès la prochaine rentrée scolaire à Alençon et  j'ajoutais,  pour me convaincre de mon bon choix : Comme tu peux t'en douter, c'est pour ton bien.

Ainsi se créent les dictatures familiales, les représailles nécessaires de père à fils, et plus simplement, l'application réfléchie du bon sens et  l'amour de nos enfants. 

Je n'oublierai jamais l'odeur dégagée par le café au lait ce matin du mois d'août 1962, ni les trois larmes sèches qui ne coulèrent jamais sur ma joue, fierté oblige.. et je me souviendrai longtemps  de ces cinq trimestres passés dans ces locaux froids et impersonnels et pourtant tellement familiaux de mon nouveau pensionnat.

Quand l'odeur de la chicorée à l'eau

remplace celle du bon café familial,

rien ne va plus. 

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Xavier Henri

 

                                                                                       Le 2 octobre 1961

 

Chère Maman,

 

Quand Papa ira à Neuville sur Sarthe la semaine prochaine, peux-tu lui demander de me déposer en passant quelques affaires ? Il me faudrait du savon, mon maillot de bain et une boite de chocolat en poudre (on a le droit de posséder des provisions.) Ici comme a dû te le dire Papa, je ne peux pas sortir avantla Toussaintce qui m'ennuie beaucoup pour les scouts. Tous les jeudis je serai libre de deux heures à cinq heures un quart ce qui n'est pas très long.

En arrivant mardi soir au pensionnat, c'est papa qui m'a aidé a faire mon lit ! je crois que c'était une première pour lui ! ensuite, un abbé très gros est venu lui parler, je pense que c'est mon futur professeur principal.

A la première récrée, j'ai demandé à un ancien à quelle heure on pouvait sortir le samedi, quand il m'a dit que le prochain grand week-end ne serait que dans trois semaines, j'ai cru que j'allais pleurer.

Je crois qu'il y a un autre rouennais au pensionnat en cinquième.

Le supérieur, je crois ?, m'a demandé au moins dix fois pourquoi mes parents me mettaient en pension, je n'ai pas su quoi lui répondre, il est persuadé que j'habite Paris.

 

     Je t'embrasse.

     Xavier Henri

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Xavier Henri

 

                                                                                                   samedi 4 octobre 1961

 

Chère Maman

 

Je profite de l'étude du soir pour te raconter la vie à l'école ( ici tout le monde dit : l'école). Surtout ne t'inquiète pas pour cette heure d'étude pendant laquelle je ne travaille pas, car nous n'avons pas encore reçu nos livres et nous n'avons rien à préparer pour demain.. D'abord on mange moins bien qu'à la maison; je vous ai demandé du chocolat en poudre pour remplacer la chicorée à l'eau et au lait du matin. Nous avons autant de pain que nous voulons mais il n'y a pas de beurre, seulement de la confiture dans d'immenses pots en fer  posés directement sur la table. Il n'y a pas de nappe (ça je m'en doutais) et même pas de toile cirée. Mon voisin de table s'appelle Caruso, c'est un petit gros tout rouge  qui met de l'ail sur son pain au petit déjeuner, une infection !  surtout quand il trempe sa tartine dans la chicorée, il paraît que c'est pour soigner ses vers; berk ! Je crois qu'il est possible d'acheter du beurre à l'économat le mercredi, je me renseigne, mais pour cela il me faudrait une rallonge sur mon argent de poche. Mon professeur principal s'appelle l'abbé Cavalier, il est presque aussi gros que Parrain Defrance (ne lui dis pas, le parrain de Christine pourrait se vexer) il paraît qu'il est très gentil. Il m'a placé au dernier rang de la classe, soit disant parce que je suis le plus grand, et à coté de Xavier Poujot, un parisien. Il y a beaucoup de parisiens ici surtout chez les grands.

Demain dimanche je ne pourrai pas sortir car il s'agit d'un "petit dimanche"  je ne sais pas encore comment je vais m'occuper mais j'ai déjà le cafard.

C'est un redoublant qui m'a expliqué que les petits dimanches on ne pouvait sortir qu'après la messe de dix heures et que l'on devait rentrer au plus tard à sept heures le soir, et comme la messe est obligatoire, on ne peut même pas sortir plus tôt.

Surtout n'oublies pas de rappeler à papa de me déposer mon maillot de bain la prochaine fois qu'il passe à Alençon, c'est très important.

Vous avez vraiment de la chance d'être à la maison.  La cloche sonne.

Je t'embrasse.  

 

Xavier  Henri                                    

 

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Xavier Henri

 

 

                                                                                  dimanche 5 octobre 1961

 

Chère Maman,

 

Ce dimanche fut le plus triste de ma vie. Je suis resté enfermé (ou presque) alors que vous étiez tous dehors. Le matin, après l'étude de sept heures, petit déjeuner, toujours à coté de Caruso, puis la messe dans la chapelle de l'Ecole. Quand le célébrant, entouré de plein  d'enfants de chœur nous a dit : " c'est un vrai bonheur pour moi de vous retrouver mes chers enfants.."  j'ai eu envie de m'enfuir.

Non je ne suis pas son cher enfant. Après la messe de dix heures, nous avions étude libre ou récrée, bien sûr j'ai été en récrée, mais dommage pour moi, mon nouveau copain Xavier Poujot qui n'arrêtait pas de rire pendant la messe, a eu le droit de faire le piquet pendant une demi heure, c'est à dire tourner autour de trois arbres au milieu de la cours de récréation. Ce n'est pas très juste car il y avait d'autres garçons qui riaient et même, un, à coté de moi qui lisait le journal de Spirou en cachette.

  L'après midi nous sommes tous partis en rang assister à un match de foot Ball qui se déroulait en banlieue d'Alençon; les troisièmes 1  jouaient contre les troisièmes 2. Vraiment passionnant. Comme visiblement je m'ennuyais, le prof. de gym. monsieur Vichy, m'a demandé de faire l'arbitre de touche ! ça ne te dit rien bien évidemment et à moi non plus ! il s'agit de surveiller le ballon lorsqu'il sort du terrain de foot, et de lever le bras à chaque fois que ça se produit. En rentrant le soir avant de re-passer en étude nous nous sommes changés au "ciroire" et là j'ai constaté qu'on m'avait volé mes chaussons gris. J'achèterai  un cadenas mercredi chez monsieur l'économe. Au dîner je n'ai rien mangé; la dame qui sert les plats, s'appelle comme toi: Thérèse. Elle avait les mains et les ongles tellement sales que j'avais envie de vomir, elle est pourtant très souriante et gentille avec nous. Après l'étude d'où je t'écris, nous devons aller à la chapelle avant de nous coucher, je crois que c'est pour le "salut " ou une autre prière.

Je t'embrasse et j'espère très vite revenir Rouen.

P.S. Le garçon de Rouen habite tout près de chez nous à Mont Saint Aignan et il  s'appelle Hachard.

Demain, j’écrirai à ma marraine, elle doit s’inquiéter de moi.

 

Xavier Henri

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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02/06/2011
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